8 décembre 2009- Conférence petit-déjeuner "L'interférence du juridique dans les restructurations"

La chaire M-A-I organisait le 8 décembre 2009 un petit-déjeuner débat sur le thème « L’interférence du juridique dans les restructurations » autour des interventions de Maitres Gilles BELIER et Henri-José LEGRAND, auteurs de La négociation collective après la loi du 20 août 2008 – Nouveaux acteurs, nouveaux accords (paru en 2009 aux éditions Liaisons). Le débat était animé par le professeur José ALLOUCHE.
 
 
Me Gilles Bélier
Avocat à la Cour, vice-président du Conseil d`Orientation pour l`Emploi (CEO), Gilles Bélier a rejoint le cabinet Freshfields Bruckhaus Deringer en 2004 en qualité d`associé. Il intervient régulièrement en tant qu`expert auprès des institutions nationales dans le cadre de réformes législatives
 
J’interviens ici en tant qu’ avocat d’entreprise, sans pour autant être un avocat patronal, étant donnée ma culture de la régulation du dialogue social et surtout mon combat de longue date pour la régulation à froid des relations du travail et la fin d’une guerre civile froide qui continue trop souvent d’irriguer les débats en France.
Quelques remarques pour engager le débat sur la judiciarisation dans les périodes de restructuration, le rôle du juge, celui des avocats… La question de la judiciarisation des relations du travail est souvent posée comme l’expression d’un excès d’intervention du juge dans le dialogue social. Il faut à la fois essayer d’en donner quelques explications, et en même temps s’interroger sur sa portée réelle, au vu des données chiffrées.
Alors, pourquoi cette référence forte au juge ?
La judiciarisation : une fonction sociale
D’abord c’est sans doute un phénomène général dans les sociétés contemporaines où la place du droit – et c’est une très bonne chose – se développe et où le recours au juge devient dans tous les domaines des relations (collectives, individuelles) une donnée permanente.
Dans le domaine du droit du travail, il faut sans doute reconnaître que le juge a répondu à cet appel, c’est-à-dire qu’il est extrêmement actif. La relation dynamique entre le recours à la justice et le discours du juge est effectivement plutôt un discours  « compréhensif » au sens weberien du terme, si je puis dire. Ensuite, plus spécifiquement dans la question des relations sociales : il me semble qu’il y a un substitut, dans le recours au juge, à la baisse constatée sur une vingtaine d’années du nombre des jours de grève, et la capacité moins forte à mobiliser dans les entreprises (fin des 30 Glorieuses, craintes pour son emploi). Le juge est vraisemblablement devenu un élément du rapport des forces.
A cela s’ajoutent certains aspects de la fonction cathartique de la grève, c’est-à-dire la capacité collective. Dans la grève, la relation de subordination n’existe plus avec la fin ou la suspension du contrat de travail, voire l’agression ou le conflit avec l’employeur. De même dans les contentieux juridique, la relation de subordination est posée devant un représentant de la société, et de la justice qui plus est.
La responsabilité du législateur
Ensuite, ce qui me paraît important à analyser, c’est que notre droit se prête largement à l’intervention du juge, notamment dans les procédures de restructuration. Pour des raisons historiques, les instances de représentation du personnel françaises n’ont qu’un pouvoir de consultation, contrairement à certains pays d’Europe du Nord, où elles ont des pouvoirs d’intervention directe, type « droit de veto » pour parler rapidement et simplement. Le législateur, tenant ce fait pour acquis, a eu comme tendance naturelle à instaurer un parcours du combattant. Les débats autour de la Loi de Modernisation Sociale de 2001 sont extrêmement éclairants à cet égard : devant l’Assemblée, certains voulaient « donner le pouvoir au juge d’intervenir en amont des licenciements » (une forme d’autorisation judiciaire de licenciement collectif pour les licenciements économiques), d’autres souhaitaient « sanctionner les entreprises qui etc… »; d’autres demandaient un droit de veto pour les CE en matière de licenciements économiques. Le législateur qui était pourtant la gauche plurielle, continuait de se battre sur l’idée : « rien de tout cela ». Donc, on multipliait les éléments procéduraux, style intervention d’un médiateur, intervention d’un écrit devant le Conseil d’Administration sur l’impact en termes d’emplois du projet, etc… toute une série de dispositions qui ont aujourd’hui été abrogées mais qui sont extrêmement caractéristiques de notre mode de fonctionnement. Mais en même temps, du coup, la procédure (et j’en suis un ardent défenseur) est le seul moyen qu’ont les représentants des salariés pour s’opposer ou faire valoir leur point de vue en face d’un employeur qui pourrait autrement, d’une manière unilatérale, avancer ses pions. Cette notion de procédure, très importante, n’est pas seulement formelle : elle est une donnée de fond parce que c’est le seul moyen dont disposent les représentants du personnel à un moment pour créer du rapport de forces et s’opposer à l’unilatéralisme de la décision de l’employeur.
La « plasticité » de la norme
Particulièrement gâté en ce moment en matière de contentieux dans le cadre de restructurations, de rapprochement, de fusions etc…je vois par exemple des représentants du personnel arriver, pendant 8 séances de 7 heures chacune, à ne pas aborder un sujet qui est à l’ordre du jour ! Le temps passant, les contraintes jouent, et un positionnement consiste à considérer que la procédure est achevée; et on se retrouve devant le juge. Je dis souvent :  » les représentants du personnel font leur travail : puisque la procédure a ce sens là, il est normal qu’on l’instrumentalise ». L’enjeu, et c’est le rôle du juge de mon point de vue, est d’appliquer un principe de proportionnalité, en disant à quel moment, l’employeur effectivement a essayé de « passer en force » d’imposer ses vues, sans discuter et sans débattre, ou à quel moment il y a eu une volonté d’obstruction telle que l’on doit considérer qu’au regard des obligations de l’employeur, sa recherche d’une information et du recueil d’un avis des représentants du personnel a été conforme au droit : c’est ce que l’on appelle la plasticité de la norme. Ne peut jouer dans ces considérations que le principe de proportionnalité dans l’exercice du droit. Introduire, ce qui est assez difficile en droit français, la notion de raisonnable ? Mais le raisonnable et la proportionnalité ne sont jamais très éloignés.
La tendance à la judiciarisation
Je voudrais ensuite donner deux chiffres. Pas tout récent, mais je les donne en gros : en ce qui concerne les Tribunaux de Grande Instance, qui interviennent dans les conflits collectifs, les licenciements économiques et les problèmes de consultation, le social ne représente que 1% des affaires inscrites, ce qui est quand même assez faible. Parler de judiciarisation des relations du travail dans ces conditions, me paraît un peu relever de l’abus de langage. Et du point de vue prud’hommal, on est toujours autour de 170 000, 200 000 actions par an; pas non plus considérable au regard du nombre de problèmes posés, sans aucune tendance à une croissance particulière (il y a plutôt une stabilité).
Le pouvoir du juge dans la création du droit
L’autre dimension, c’est le fonctionnement de notre démocratie sur un certain nombre de points : est-ce que le juge par moments (la Chambre Sociale de la Cour de Cassation) n’excède pas son pouvoir d’interprétation dans la création de normes, sur la base de fondements parfois difficiles à comprendre ? Un exemple est extrêmement parlant, je pense même qu’il a été organisé par les juridictions : c’est l’histoire du plan social. La notion de plan social a été introduite par la loi du 2 août 1989 (elle existait déjà auparavant) dans le code du travail. C’était la nécessité de prévoir des mesures d’accompagnement lorsqu’il y avait un licenciement pour motif économique. Un soir, en 1992, à l’Assemblée Nationale, le PCF dépose un amendement, disant : « Il n’y aura pas de licenciements pour motif économique prononcés sans reclassements préalables (internes ou externes) ». En l’absence du ministre du travail de l’époque, son représentant dit s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée; laquelle Assemblée, peu nombreuse, en séance de nuit, vote l’amendement sans plus attendre. « Catastrophe ! » Ministre du travail, premier ministre, complètement sens dessus-dessous, préparent, dans la rapidité, un dispositif qui pouvait remplacer l’amendement du parti communiste adopté en première lecture : cet amendement dit toujours qu’un plan social est nul tant qu’il n’y a pas eu de plan de reclassement présenté à l’information et à la consultation des représentants des salariés. Et on donnait 8 jours à l’administration du travail pour annuler ou non le dit plan. Dans la circulaire d’application qui a suivi le vote, le ministre du travail dit : « C’est une décision de l’administration, faisant grief ». L’idée était de dire : l’administration vérifie qu’il y a quelque chose de signifiant qui vise au plan de reclassement. S’il n’y a pas on annule et on recommence tout de suite. S’il y a, les gens se battront devant les tribunaux pour savoir si le plan social est suffisant ou pas. En tout cas, sur la nullité du plan social, c’était cela le texte voté : une décision du tribunal administratif, puis des juges judiciaires qui interviendront derrière pour dire si le plan de reclassement est suffisant ou pas. Pour éviter cela, petit à petit, la direction de l’administration du travail, de l’emploi, a dit : « non, non, le constat de carence de l’inspection du travail n’est pas une décision faisant grief, c’est une alerte « . Et la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, de son côté confirmait : « ce n’est qu’une alerte. Seul le juge judiciaire peut contrôler le plan social ».  C’est comme cela que 5 ans après, et par les seules interprétations de la Cour de Cassation, on arrive à ce désastre. Pourquoi je dis que c’est un désastre ? C’est vrai que le fait de la menace de la nullité, un jour, du plan social, est un élément très fort de la négociation, je le reconnais. Mais en même temps, c’est aussi une des raisons – compte tenu de la position prise par la Chambre Sociale, des tentatives de contournement successives du plan social par le législateur. On ne peut pas attaquer le plan social sans se voir traité de « liberticide ».  A chaque fois qu’on essaie par petits bouts, comme cela (la GPEC, etc…), à chaque fois une résistance réintroduit du plan social dans ces mécanismes. Mais la volonté du législateur est claire. Le problème, pour aller vite, c’est qu’on en arrive du fait de cette jurisprudence à des décisions du style : « Le plan social est annulé, parce qu’ils (je pense à un employeur d’une entreprise du textile) n’ont pas proposé de postes en Roumanie à 200€ « . J’ai vu un plan social annulé par la Cour d’Appel de Versailles, parce que, à propos de la recherche d’emplois en Tchéquie, le responsable des relations sociales sur place avait envoyé un mail disant :  » We have no jobs in our plant « , plant sans s. Ce n’était pas sa langue maternelle. Or il y avait deux usines en Tchéquie. « Nullité du plan social  » ! J’ai dû un jour expliquer à un magistrat de la Cour de Cassation lors d’un colloque, que lorsqu’on arrivait à ce que des juges du fond prennent ce type de décision c’est qu’il fallait revoir la jurisprudence. Typiquement dans cette anecdote, le législateur avait pris une position extrêmement simple et claire. Les travaux parlementaires doivent être drainés par tout cela. Mais cela n’intéresse personne !  Et le juge de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation n’a que faire des circulaires et travaux parlementaires. Il considère que c’est son interprétation qui de toutes façons prédominera. C’est une vraie substitution ! C’est indigne !
Donc sur le juge : surtout ne confondons pas les discours sur la judiciarisation, la place du juge etc…, avec la nécessité de l’intervention du juge, il faut être très clair là-dessus. En revanche, on peut s’interroger quelquefois sur sa fonction dans la création du droit au regard de ce qu’est notre fonctionnement démocratique, par rapport au Parlement.
 
Me Henri-José Legrand

 

Avocat au Barreau de Paris depuis 1971 ; la principale activité de son cabinet est orientée vers le conseil et l’assistance contentieuse aux syndicats et comités d’entreprise de tous secteurs d’activités, notamment lors des processus de restructuration des entreprises.
 
Depuis à peu près aussi longtemps que Gilles, je conseille les organisations syndicales, et de plus en plus les comités d’entreprise, tant il est vrai que cette institution prend de plus en plus d’importance, parfois du reste de façon un petit peu regrettable. De la même manière, je suis davantage un militant du dialogue social que de cette guerre civile froide qu’il évoquait tout à l’heure, et qui malheureusement est un peu l’état d’esprit d’un certain nombre de nos confrères qui ont tendance à transposer la posture contentieuse dans le champ des relations professionnelles. Bref, je vais évoquer devant vous deux épisodes de la construction des règles qui régissent actuellement les restructurations.
Le premier épisode, auquel j’ai été étroitement mêlé, est celui des débuts de la jurisprudence qui a suivi la promulgation de la première loi sur le licenciement économique à l’issue de l’abrogation de l’autorisation administrative de licenciement : la loi Séguin du 30 décembre 1986 qui fait suite à la conclusion d’un accord national interprofessionnel qui était la deuxième révision de l’accord initial de 1969. Dans cet accord, et dans cette loi, il était prévu que les licenciements collectifs – pour faire simple – donnaient lieu à deux réunions du CE et, chose absolument hallucinante, limite caricaturale, il était prévu que délai entre ces deux réunions pourrait varier selon l’importance numérique du licenciement collectif : ce délai était dit un délai « maximal », c’est-à-dire qu’il pouvait être plus bref (sans limite), mais qu’il ne pouvait pas être plus long. Les premiers CE et sections syndicales qui ont été confrontés à cette nouvelle procédure, après qu’on eût dit aux « partenaires sociaux  » (termes que j’adore dans la mystification) qu’ils seraient en première ligne dans le dialogue social une fois l’administration mise sur la touche, ont eu littéralement l’impression d’être enfermés dans un étau : « délai maximal, compressible, non extensible ». Le législateur avait légiféré, comme c’est devenu une habitude, en oubliant complètement tout ce qu’il y avait autour. C’est comme cela qu’est née l’idée selon laquelle (c’est une jurisprudence qui s’est répandue comme une traînée de poudre dans les premiers mois de 1987) lorsque le CE faisait appel à un expert comptable, il devait y avoir au moins, mais on n’a retenu que cela depuis, une première réunion avant.
Un exemple de ce bricolage insensé, ce qui était conçu comme une réunion préalable, l’ouverture d’une phase d’instruction avant celle du débat proprement dit, s’est traduite ensuite dans la loi Soisson par la création d’une troisième réunion, comme s’il s’agissait de rajouter une réunion à la fin… Cette anecdote est assez topique de la tendance du créateur de règles (et là il y a une responsabilité des confédérations syndicales, puisque cela trouve son origine dans la création d’un accord interprofessionnel) à faire des règles qui brident le dialogue social, au lieu de chercher à égaliser les armes.
 
Comme Gilles Bélier, je pense que c’est seulement devant le juge que l’égalité des armes est garantie. L’égalité des parties dans un procès est certainement pour beaucoup dans la tendance à privilégier le recours au juge. On a affaire à des règles qui brident le dialogue social, et on en a rajouté. Ensuite, avec la loi Soisson et les lois qui ont suivi, le corpus de règles qui régissent le licenciement collectif s’est complexifié à l’envie et à la limite de l’absurde, jusqu’à faire oublier qu’en réalité tout cela pouvait tenir en 3 règles toutes simples. Il y a un droit des représentants du personnel à discuter des prémices économiques de la restructuration et du licenciement collectif, il y a un droit des représentants du personnel à discuter des modes de sélection des victimes éventuelles, et derrière un droit des salariés à ce que la sélection soit régulée de façon aussi équitable que possible et puis troisièmement, il y a un droit à la planification des alternatives au licenciement ou tout au moins au chômage, c’est le plan social, et les droits à le discuter. Trois articles suffiraient mais on éprouve toujours le besoin – c’est aussi l’illusion technocratique – de multiplier les règles en se disant que plus ce sera précis, plus on aura dit aux gens qu’il faut lever le doigt pour mettre un pied devant l’autre, moins il y aura de contentieux. Ce qui est évidemment faux, puisque plus il y a de règles, plus on suscite de contentieux.
 
Le deuxième épisode que je voudrais évoquer c’est celui qui est à l’origine de cet exemple de jargonisation galopante des relations professionnelles, qu’on a appelé la distinction entre les Livres III et IV. Lors d’un contentieux, un comité d’entreprise saisi de la fermeture d’un site assortie d’un licenciement collectif, ayant découvert entre temps que la décision de fermeture du site remontait en réalité à 1 ou 2 ans, n’a rien trouvé de mieux que de soutenir qu’il aurait dû d’abord être consulté sur la fermeture puis seulement après, sur le licenciement. Thèse adoptée par la Cour de Cassation, ce que je considère comme une ineptie gigantesque, monumentale ! Ineptie qui a eu la peau dure, puisque l’on vit toujours sous son régime. On est en face d’un corps de règles dont les fondements ne sont pas pensés. Il n’y a jamais eu de débats clairement tranchés ni par le législateur, ni par le juge, sur la définition d’une restructuration et du champ d’application de ses règles spécifiques.  Les manœuvres de contournement, qui ont fleuri d’autant plus que le droit du licenciement collectif devenait plus complexe et plus astreignant, se nourrissent de cet impensé du champ d’application. « Qu’est-ce qu’une restructuration ? » Il est vrai que quand on réfléchit à la chose, cela file un peu entre les doigts. Je pense qu’en fait, contrairement à celle du licenciement pour motif personnel, la décision de licenciement pour motif économique, n’est pas clairement située dans le temps. C’est l’aboutissement d’un processus; elle est en réalité multiple et plurielle et tellement immergée, je crois, dans le fonctionnement d’une entreprise, qu’il est extrêmement difficile, complètement hasardeux même, de choisir un fait générateur de l’application d’un corpus de règles particuliers. Ce qui a probablement contribué à ce que le juge ne se départisse jamais de la tendance à confondre notification de licenciement et décision de licenciement, qui à mon avis sont deux choses complètement différentes en matière de licenciement pour motif économique. La deuxième chose que l’épisode met en évidence c’est que cela fait 20 ans que l’on nous serine à longueur de débats et de colloques qu’il faut anticiper. En réalité, rien n’est moins naturel que l’anticipation. J’ai eu à connaître d’un accord de GPEC organisant de manière remarquable le dialogue social sur la présentation de la stratégie et de ses conséquences sur l’emploi, et la consultation sur les prévisions d’emploi et la GPEC. Les représentants du personnel, que j’assistais, critiquaient l’absence de prévision d’emplois tant soit peu chiffrée : il y avait une prévision d’évolution des ressources, de l’évolution naturelle des effectifs, mais aucune prévision sur l’évolution des besoins. La réponse du DRH a été de dire : « Ah vous savez, c’est extrêmement délicat, parce que les chiffres, c’est anxiogène ! »
Sur la nullité du PSE, en réaction à ce que disait Gilles Bélier tout à l’heure : le système actuel n’est pas du tout satisfaisant dans sa mise en œuvre. Qu’un PSE soit susceptible d’être annulé et que l’annulation ne soit pas réservée à l’absence radicale de tout plan social, ne me choque qu’à moitié. Ce qui me gêne c’est que les applications sont en général complètement à côté de la plaque. A mon sens, les juges, et je pense, malheureusement aussi bien souvent les directions départementales du travail, ne sont pas véritablement formés pour apprécier le sérieux d’un plan social. L’intérêt (palliatif) de cette jurisprudence, c’est que cette sanction agisse comme une arme de dissuasion. Personnellement, pour la centaine d’équipes syndicales, de comités d’entreprise, sur des plans de licenciements collectifs que mon cabinet assiste, le pire qui nous soit arrivé depuis très longtemps c’est de plaider l’annulation, mais sans avoir à aller jusqu’au jugement, parce qu’on était arrivé à un accord entre temps. Je suis convaincu que si cette sanction n’existait plus, les plans sociaux, seraient beaucoup moins discutés et négociés; il y a toute une gradation dans la mise en œuvre de cette arme de dissuasion, mais que l’on s’en félicite ou qu’on le déplore (on peut effectivement le déplorer) elle reste un levier de négociation, un important moyen d’égalisation du dialogue social sur le licenciement collectif. Il y a bien obligation de négocier. Malheureusement, dans notre pays, le dialogue social n’est pas naturel, de part et d’autre de la table, du reste. La confrontation et l’incantation sont des postures plus confortables que la recherche de solutions adéquates et de compromis.
Pour terminer, je déplorerai simplement que le législateur prête la main lui-même à des manœuvres de contournement de ces dispositions légales. Lorsque M. Borloo a introduit la GPEC au début de l’année 2005, on avait complètement oublié que depuis exactement 16 ans, dans le Code du Travail, une disposition prescrivait une consultation chaque année sur quelque chose de cet ordre. On a tendance à accumuler les règles sans regarder ce qui existe déjà. Et les dispositions légales apparemment sympathiques dissimulent parfois des intentions qui le sont un peu moins : dans la circulaire parue après la promulgation de cette loi, où est-il question de GPEC ? Je vous le donne en mille : dans le chapitre intitulé: « licenciement pour motif économique !
 
 
 
 Questions-réponses avec la salle :
 
 
 
 
J A : En vous écoutant, j’ai quand même l’impression que vous dites la même chose : Gilles, tu viens de dire que la procédure est le seul moyen pour les salariés de créer du rapport de forces. C’est ce que vous venez de démontrer, Henri-José Legrand, en parlant d’arme de dissuasion… 
Me JHL : Elle est un moyen fort, en tous cas, compte tenu de l’état de la mobilisation. Cela se nourrit de la faiblesse du syndicalisme.
Je souhaiterais tout de même dire que je trouve curieux votre intitulé : « l’interférence du juridique ». L’interférence du droit ou du contentieux ? On a un peu l’impression qu’il y a un corps ressenti comme étranger, contraignant, par les managers. Comme Gilles Bélier le disait, le droit est de plus en plus prégnant dans tous les aspects de la vie sociale. C’est un maillage de la vie sociale. Nous aurions tort de le déplorer parce que c’est le premier moyen de réguler le rapport de forces. Le  syndicalisme aujourd’hui en pleine mutation n’a pas fini de le prendre en compte dans son action. Les organisations syndicales ont commencé à faire appel au juge dans les années 70. Le plus souvent avant, seules les entreprises le faisaient. Aujourd’hui, c’est un mode d’action qu’il faut dépasser d’une certaine manière. L’accompagnement juridique des organisations syndicales dans la négociation fait son chemin, mais très lentement. Les entreprises ont x longueurs d’avance dans ce domaine : le service contentieux y a fait place aux services ou directions juridiques dans les années 70/80. On en est très loin dans les organisations syndicales. Je crois qu’il ne faut pas le perdre de vue : le contentieux, n’est que la face émergée de la prise en compte du droit.
Intervenant de la salle : Longtemps DRH de différents groupes j’ai constaté une grande incertitude en matière contentieuse dans les procédures, notamment due à l’incompétence du juge des référés dans ce domaine. Que pensez-vous de l’intervention du juge des référés et, au-delà, des TGI sur le fond, de leur capacité à intervenir sur un sujet de plus en plus complexe ?  Exemple : annulation d’un plan en référé au TGI de Reims au motif : « Vous n’avez pas proposé de reclassements ». Jugement du même plan, mêmes conditions, tribunal de Senlis : « Vous avez proposé des mesures de reclassement « .
Deuxième point : l’émergence des cabinets d’expertise, nouvel acteur très important en matière de conseil juridique, dans un rôle d’ailleurs pas toujours très techniquement solide, et qui souvent se substituent aux organisations syndicales dans la négociation. Ce qui, de mon point de vue, est une hérésie. Chacun son rôle… 
Me G B : Comme je vous comprends et comme je vous entends ! Il y a plusieurs aspects à prendre en compte : d’abord c’est vrai, les grandes villes sont mieux organisées en termes de référés, avec des Chambres Sociales et des magistrats qui ont un  peu l’habitude. La difficulté tout de même : les juges des référés sont des êtres humains et sensibles et ont tendance à considérer que s’il y a des gens à protéger notamment dans un contexte local, ils auront tendance à privilégier leur point de vue. On peut le comprendre, mais après, ce n’est pas la Jurisprudence de la Chambre Sociale de la cour de Cassation qui compte, et certains juges du fond ne la prennent pas en compte. Alors effectivement, après il y a des problèmes d’appréciation par des gens qui ne mesurent pas bien l’enjeu des dossiers qui leur sont présentés et qui prennent position de cette manière. J’ai un vrai sujet là-dessus : je pense qu’il y a un problème d’organisation de la procédure judiciaire sur cela. Il y a une forme d’inégalité dans le choix de l’avocat. Il faudrait organiser les procédures de manière à ce qu’il y ait pendant un temps certain les experts d’un côté, de l’autre les directeurs financiers de l’entreprise, et que l’on puisse avoir un vrai travail avec le juge. Aujourd’hui, je trouve la procédure judiciaire classique totalement inadaptée au traitement de ce type de dossier.
Sur le second point, le rôle des experts du CE,  on constate un problème, dont HJL pourra parler. Le sujet, plus large que celui des restructurations, est celui de la place et de l’expertise du CHSCT. Il faudra un jour y réfléchir parce que c’est une appropriation par des experts de la réflexion et donc souvent de l’action et non pas des juristes, ou pas toujours des juristes. J’ai été un militant d’expertise sur la logique de l’égalité des armes. On ne peut pas avoir un employeur qui prépare un plan de restructuration pendant 6 mois avec 5 cabinets d’expertise, et le CE que l’on ne voit que deux fois. Il est nécessaire qu’il y ait une expertise, mais le problème en France, c’est l’instrumentalisation des outils que l’on se donne et la perception que les experts ont de leur rôle. Il arrive que certains experts (ou avocats) prennent la parole à la place des salariés directement concernés. 
Un mot sur l’énorme sujet qu’est la question de l’anticipation  sociale : dès qu’on sort une information sur un sujet, formalisme extrême. Mais surtout on a un problème avec le droit de la consultation, qui produit une espèce d’étau : difficile de consulter des représentants du personnel sur un projet à long terme pour discuter des problèmes  et les affiner au fur et à mesure des débats, en l’absence d’éléments précis à leur donner dès le départ. S’il y a un débat judiciaire, les juges estimeront que les organisations ne peuvent donner d’avis. La consultation, pour être soit valable et approfondie, suppose que le projet soit suffisamment élaboré, et en même temps, il suffit que la décision puisse avoir des conséquences un jour pour que l’on reproche de ne pas avoir consulté. C’est l’insécurité autour de la norme.
Pour en revenir sur les directives européennes sur l’information et la consultation des travailleurs, ce sont des éléments globaux. Et effectivement, l’article premier des 3 directives essentielles sur ce sujet  en Europe pose que cela doit se faire dans un esprit de coopération. Je pense que l’on a autour de cet esprit de coopération, sur cette idée d’une régulation à froid des relations sociales, une conception qui s’applique mal chez les juges, à l’université et dans l’Administration du Travail. La plupart des représentants du travail sont dans cette culture de l’antagonisme et de la conflictualité. La jurisprudence : « On doit consulter le Comité d’Entreprise avant de signer un accord collectif » est très critiquable sur ce point : un accord collectif c’est suspect quelque part d’être une décision de l’employeur qui l’a imposée aux syndicats. Tant qu’on aura cette culture on aura du mal à progresser dans le droit social et l’évolution des entreprises. En tous les cas, je partage complètement malheureusement ce qu’on a dit sur le juge des référés. Disons les choses jusqu’au bout, si vous tombez sur un magistrat qui a des convictions sur l’organisation sociale, vous vous  ferez massacrer. Alors que l’un vous dira : « Votre plan correspond aux normes; la logique de proportionnalité est là, votre plan, je considère qu’il est valable »,  sur le même plan, la porte d’à côté, un autre vous dira le contraire. Le mieux c’est quand la cour d’appel de Versailles sur le même plan, avec le même président, prend 3 décisions successives: 2 de validité et la 3ème d’annulation. Un avocat a dû trouver quelque chose de plus pertinent (genre erreur de langue à propos d’un s en Tchéquie) Je suis d’accord sur le fait que la menace de dissuasion est importante sur le PSE, mais pas sur n’importe lequel : s’il faut proposer des emplois à 300 euros alors que l’administration nous dit « les propositions doivent être décentes », c’est un problème.
Quand on vous annule un plan sur le fondement de l’égalité de traitement entre les différents sites (le plan doit inclure des départs volontaires aussi dans les autres sites que celui que vous fermez), je dis : « Non ! Cela ne va plus ! » C’est l’absence radicale de propositions de reclassement qu’il faut considérer. Il faut remettre les curseurs à des fondamentaux du PSE suffisamment crédibles sinon on n’y arrivera jamais.
Me HJL : Il ne faut pas confondre les dérives du contentieux social avec les mérites propres à une certaine juridiction et à ses pouvoirs. S’agissant du juge des référés, j’ai longtemps bataillé pour qu’il utilise ses pouvoirs : cela ne s’est pas fait tout seul. Mais je serai sans doute un des premiers à déplorer qu’aujourd’hui, ces pouvoirs soient devenus quasi-illimités. Le juge des référés n’est pas véritablement un juge, c’est un pompier de service. C’est le sapeur qui colmate les brèches ou qui manie l’extincteur pour éviter que des situations conflictuelles s’enveniment, ou qu’une des parties à un conflit, chose très importante dans ce qui nous intéresse, profite de ses pouvoirs pour créer l’irréparable ou l’irréversible. On est au cœur de notre sujet. Pourquoi y a-t-il des dérives ? On est en face d’un contentieux extrêmement spécialisé dont les pouvoirs publics n’ont pas pris conscience de l’ampleur et de la complexité. On a créé des juridictions spécialisées, dans les affaires de concurrence, dans certains domaines du droit d’auteur si je me souviens bien. Pas de juridictions spécialisées dans au moins certains domaines du droit du travail. Pendant très longtemps, les présidents et les magistrats de la Chambre Sociale, nommés pour des raisons indépendantes de leurs compétences : opportunité,  ou mise au placard doré (pénalistes jugés indignes  de gravir les échelons) se sont plus (quelques exemples remarquables) ou moins bien adaptés. Aujourd’hui, le contentieux social a acquis ses lettres de noblesse dans la doctrine, et donc, phénomène inverse, il est devenu un objectif pour des carriéristes ; Mais il est humainement impossible pour les juges de tribunaux d’instance de s’investir intellectuellement dans autant de domaines différents, et les décisions rendues sont sujettes au hasard du volume de contentieux traité dans le domaine. Et donc, la première dérive du juge des référés, c’est qu’il s’est approprié le pouvoir de sanctionner, un pouvoir de juge de plein exercice alors qu’il n’est qu’un sapeur pompier. Je ne trouve pas admissible qu’un juge des référés annule un plan social : c’est du ressort du juge du fond. Personnellement, je préfère lancer deux assignations : une devant le tribunal pour demander l’annulation du plan, et une devant le juge des référés pour qu’il en suspende l’application en attendant la décision du TGI, ce qui a au moins le mérite d’inciter encore plus à s’asseoir autour d’une table.
Pr JA : Si le juge des référés prend la décision d’annuler le plan social, il outrepasse ses droits ?
Me HJL : Ah je le pense oui ! Ce n’est pas ce que dit le Cour de Cassation, mais le juge des référés n’a pas à juger; il prend des mesures mais il n’a pas à infliger une sanction (la nullité est une sanction), ni à annuler un contrat (un plan c’est une sorte de contrat). J’ai le sentiment que si les RH sont particulièrement révulsés par l’interférence du juridique dans les restructurations c’est que l’idée n’est pas ancrée dans les esprits qu’un plan est aussi un dispositif juridique : il définit des droits, des obligations, des procédures et des processus. A quoi cela sert d’avoir une liste des offres d’emploi dans le monde ? Cela n’a aucun intérêt (aucune garantie de reclassement). La question c’est : »comment on organise le processus ? » Un plan social n’est pas seulement un objet d’information, un dispositif de gestion, mais aussi un acte juridique par lequel on prend des engagements, des deux côtés d’ailleurs.
Pour ce qui est des experts auprès du CE, et j’assume ma responsabilité dans les accords de 1982 et la jurisprudence qui a suivi, on a suscité la création d’entreprises de dimension considérable qui se nourrissent de la confusion des genres, d’autant plus qu’elles ont un marché garanti.  Une véritable guerre oppose avocats et experts comptables (peuvent faire prestations juridiques dès lors qu’elles sont « accessoires à leur mission »), sur lesquels s’appuient les CE, quelquefois très riches, et qui développent de façon affichée une stratégie d’offre globale.
Me G B : Un arrêt de la Chambre Sociale tout récent concernant Syndex autorise les comités d’établissement à demander chaque année un expert pour les comptes, alors que la loi parle des comptes sociaux. L’argument de la Chambre Sociale est de dire que les comités d’établissement ont les mêmes pouvoirs que les comités d’entreprise, dans les limites des pouvoirs du chef d’établissement; or le chef d’établissement n’a jamais établi les comptes sociaux qui doivent être présentés à l’Assemblée Générale. On va aboutir à des missions d’expertise désignées et des budgets considérables vont intervenir de façon  dramatique. Car ce qui compte c’est la stratégie de l’entreprise
Intervenant de la salle : Je suis secrétaire d’un CE, membre du comité de groupe France de la Caisse des Dépôts. Comme vous disiez,  Me Bélier, à propos de ‘Europe du Nord, je crois que la donne n’est pas la même lorsque la direction a en face d’elle une IRP qui a un droit de veto et est beaucoup plus assistée de juristes. Cela répartit les pouvoirs et force davantage au dialogue.
Compte-tenu également du lien de subordination auquel il était fait allusion tout à l’heure (les élus sont avant tout salariés) la référence au « petit livre rouge » (bien souvent à leur avantage), est la seule force qu’ils ont face à l’employeur pour engager des négociations difficiles. Bien souvent même il leur parait plus facile de déléguer le dialogue social aux experts, plus à l’aise pour invectiver la direction. Si les pouvoirs étaient plus équilibrés, ces recours seraient moins courants.
Également conseiller des salariés des Hauts de Seine, je suis appelé souvent dans les entreprises de moins de 50 salariés. Malheureusement dans bien des cas le juridique y est de fait le seul recours contre des licenciements collectifs sans critère justifié.  
Intervenant de la salle : (Ici en qualité de chercheur) Pour revenir sur l’interférence du juridique, concernant les chiffres donnés sur la judiciarisation, il me semble que l’on n’assiste pas à un phénomène de judiciarisation entendue comme un recours accru au tribunal. Pour les Prud’hommes, 220 000 à 170 000 par an c’est une décrue importante. En termes de recours au Tribunal dans les cadres collectifs, on a moins de chiffres mais la tendance ne semble pas à la hausse. Est-ce que le thème des restructurations, n’est pas un des rares lieux où la juridiciarisation est effective, où il y a menace de plus en plus fréquente d’aller au Tribunal et je suis particulièrement intéressé par la remarque que vous avez faite Maître Legrand sur le fait que finalement vous menacez de nullité, mais vous n’allez pas jusqu’au bout. S’il y a juridiciarisation, c’est que l’on va jusqu’au bout. C’est de cela que se plaignent les acteurs : on annule des plans sociaux pour des raisons procédurales. Comment s’articule le fait que vous usez de plus en plus fréquemment de cette menace de nullité, sans avoir à  aller jusqu’au bout ?
Me HJ L : Je confirme que depuis des années nous ne sommes pas allés jusqu’au bout. Mais sommes-nous vraiment représentatifs ? Nous accordons beaucoup d’importance à la négociation du plan social, à une définition plus fine et pertinente des modes d’accompagnement, des processus et des droits et obligations des parties impliquées : employeurs, salariés à reclasser, représentants du personnel, cabinets de conseil en reclassement… Ces négociations sont difficiles, compliquées prennent du temps et c’est lorsque le dialogue social ne s’est pas noué spontanément que l’on engage des procédures judiciaires. Toute autre est la démarche contentieuse pour faire monter les enchères. Dans les affaires médiatisées, des représentants du personnel cherchent surtout à ce que les chèques de départ soient les plus élevés possibles. Il y a une convergence parce que, du côté de l’entreprise, c’est quand même plus simple de faire des chèques que de mettre en œuvre des processus de recherche d’emploi, de préparation au reclassement, et c’est souvent parce que les syndicalistes ne croient pas aux dispositifs de reclassement qu’ils poussent eux-mêmes à la négociation des chèques de départ, quitte parfois même à diffuser un discours de défiance; et il est vrai aussi que les plans sociaux ont souvent été de pure forme. Tout cela s’est mêlé. On a bien souvent des contentieux qui ne visent qu’à obtenir les indemnités les plus élevées possibles, et du reste, souvent, complètement irresponsables de la part des « experts » comme des avocats. Plus la population est fragile, moins elle est qualifiée, moins elle est rémunérée et plus le chèque de départ est un miroir aux alouettes.
Me G B : Quelques divergences avec ce qui a été évoqué : je ne crois pas que le Code de Travail avantage l’employeur dans une possibilité d’inscrire quelque chose dans le légal. D’une certaine manière, je ne suis pas contre la nullité du plan. Je suis contre la nullité du plan pour des raisons qui n’en sont pas. La capacité d’annulation d’un plan social, c’est le juge qui l’a, par le droit de veto, et non pas le comité. Ensuite, en tant que médiateur dans pas mal de conflits en liaison avec des restructurations, je suis entré dans un conflit que l’on a réglé en 5 à 8 jours. Il s’était passé 12 mois entre la réunion 2, avec des référés, et la réunion 3 que j’ai organisée à la fin de la médiation. Dès lors que l’on se met d’accord sur le social, 15 jours c’est un délai maximum. Après il y a la question des indemnités : nous avons tous les deux tendance à penser que les vrais plans sociaux sont des plans emploi. Mais dans la vie réelle il arrive trop souvent que l’on dise à l’employeur : « La procédure, les contentieux s’arrêteront parce que vous aurez donné de l’argent… donnez un chèque, on est tous partis dans un mois »  Là les choses très sont graves et il faut qu’il y ait eu une expérience mauvaise : versement de chèques, même importants, et que les gens reviennent 6 mois après sans argent et sans travail pour convaincre les syndicats de demander des indemnités d’une manière raisonnable pour privilégier, en raison des basses qualifications, le reclassement pérenne. Maintenant, que les salariés veuillent des indemnités, cela ne me choque pas du tout sur le plan moral. C’est parfaitement humain et la morale n’a rien à faire dans ces questions. La vraie question est : comment aboutir au meilleur équilibre ? Et je ne suis pas du tout d’accord avec la pratique qui consiste à demander que le coût des mesures d’accompagnement soit reconverti en indemnités.
Dernier point sur les assignations de pression : c’est quand même le rôle des avocats. HJ L, comme moi préfère la négociation, alors que des avocats « de culture » disent : « Il y a un procès, je suis assigné, je traite mon procès. » En ce qui me concerne, j’appelle d’abord le confrère, quel qu’il soit, pour voir si l’on peut négocier.  Tout dépend donc de la culture des avocats en présence, ce qui n’est pas négligeable.
Pr J A : On est passé des interférences du juridique à la place du droit dans les restructurations. Nous sommes rendus au terme de la séance. Je voudrais vous remercier tous les 2.